Comment accueillir les personnes immigrantes provenant de zones de guerre?

Comment accueillir les personnes immigrantes provenant de zones de guerre?

18 mars 2024

Temps de lecture : 4 minutes

Par Marie-Evangeline Pouyer-Crosthwait, B. Sc. inf., intervenante communautaire interculturelle

Le stress lié à l’immigration d’une personne provenant d’une zone de guerre peut apporter son lot de défis souvent négligés. La guerre laisse des cicatrices profondes sur la personne et sa famille, et ce, dans plusieurs sphères de vie dont la santé mentale. Malheureusement, ce fardeau ne cesse pas d’exister une fois atterri dans un pays sécuritaire. Alors, comment pouvons-nous bien accueillir les personnes immigrantes provenant de zones de guerre? Être conscients premièrement du parcours généralement entrepris par les personnes immigrantes de zones de guerre est déjà un bon départ pour prévoir des conversations respectueuses et un accueil adéquat.

Être sensible à la réalité du parcours migratoire lié à la guerre

La première étape d’une migration dans un contexte de guerre est souvent celle de la fuite précipitée pour échapper à la violence ou à sa menace imminente. Ces personnes doivent quitter leur pays la plupart du temps avec peu d’avertissements et très peu de biens. Cette situation engendre un stress aigu face à l’incertitude de leur avenir, leur sécurité et celle de leurs proches. Durant ces moments de danger, notre corps réagit dans l’immédiat et les mécanismes de survie du corps se produisent par le biais de notre système nerveux pour répondre à l’urgence. Le corps réaffecte toutes ses ressources pour soit combattre ou fuir le plus efficacement possible. Par contre, lorsque le danger n’est plus de la partie, il arrive que le système nerveux reste activé ou que les déclencheurs soient plus faciles à provoquer. Nous parlons alors d'un trauma psychologique.

Offrir des ressources

Une fois arrivées dans le pays d’accueil, ces personnes doivent entamer des démarches complexes d’immigration et d’installation, ainsi que faire face aux défis liés à l’intégration! L'adaptation culturelle, la barrière linguistique et le sentiment d'étrangeté peuvent contribuer à augmenter la tension psychologique vécue. Elles doivent aussi reconstruire leur vie dans un nouvel environnement, et ce, avec peu de ressources financières. Sur le marché du travail, les barrières linguistiques et culturelles peuvent entraver l'accès à l'emploi. De plus, la discrimination basée sur la perception négative des réfugiés peut aggraver le stress lié au travail. L'incapacité à utiliser pleinement leurs compétences et qualifications acquises dans leur pays d'origine peut quant à elle engendrer un sentiment de dévalorisation. Une présence et un soutien social deviennent alors primordiaux pour une intégration complète et respectueuse. Avoir recourt aux services d’une organisation spécialisée dans l’accompagnement des personnes immigrantes, comme ceux de L’Orienthèque, peuvent grandement faciliter le processus pour toutes les personnes impliquées.

De demandeur d’asile à réfugié

Le statut de réfugié n’est pas donné automatiquement aux personnes arrivant d’une zone de guerre. À une personne qui fuit son pays par peur de persécutions ou de violences est d’abord donné le statut de demandeur d’asile. Il ne garantit pas le droit de rester au pays. Pour obtenir le statut de réfugié accepté, il faut préparer sa demande avec un avocat, puis attendre son tour pour la présenter devant une cour fédérale spécialisée. Un juge décide ensuite si la demande est acceptée ou non. L'instabilité de cette situation juridique peut créer une angoisse constante quant à l’incertitude de pouvoir rester et obtenir des services, et ajoute encore une pression considérable chez ces individus traumatisés. Savoir faire la différence entre un demandeur d’asile et un réfugié vous permettra de mieux comprendre où la personne se situe dans son parcours.

Référer rapidement

Il est connu que les expériences vécues pendant une immigration forcée peuvent affecter la santé mentale à long terme. Ces personnes peuvent avoir de la difficulté à se concentrer, des troubles du sommeil, être en état de vigilance continue (hypervigilance), être dépressives/anxieuses, faire des cauchemars ou de l’évitement, avoir des pensées ou des souvenirs accaparants, éprouver des difficultés relationnelles ou autres.  Puisque ce ne sont pas nécessairement toutes les personnes ayant été exposées à la guerre qui vivront des symptômes d’un trauma psychologique, il est important de ne pas le supposer à l’accueil des personnes ni nier la réalité d’un parcours difficile. Malgré tout, le trouble de stress post-traumatique demeure un diagnostic fréquent parmi ceux qui ont vécu ou ont été témoins de la guerre. À l’écriture de ce billet, il n’y a pas encore de dépistage systématique par un professionnel de la santé offert à leur arrivée ni de prise en charge directe. Le plus aidant est de référer la personne pour obtenir un soutien psychologique adapté, si elle vous demande de l’aide.

En conclusion, le stress lié à l’immigration, en particulier celui lié à la guerre, représente un défi complexe qui ne se limite pas à sa géographie. Il impacte profondément la santé mentale des personnes, des familles et des communautés. Comprendre ces expériences et mettre en place des mesures de soutien adéquates est essentiel pour ces personnes que nous accueillons afin qu’elles puissent reconstruire leur vie, restaurer leur bien-être mental et participer elles aussi à créer ensemble des sociétés bienveillantes.

Des approches à adopter et à éviter auprès de ces personnes…

À adopter :

  • Offrez des formations sur la sensibilité culturelle et sur les traumatismes pour les employés et les citoyens.
  • Fournissez des références aux responsables de services de soutien psychologique et aux conseillers spécialisés en immigration.
  • Créer des groupes de soutien pour favoriser la solidarité entre citoyens ou employés.
  • Proposez des horaires de travail flexibles pour permettre une meilleure gestion du stress.
  • Facilitez l'accès à des programmes de mentorat pour favoriser l’intégration professionnelle à long terme.
  • Soyez sensibles sachant que des situations liées aux enjeux de langue ou de culture du pays d’origine peuvent aussi se produire entre immigrants ici.
  • Établissez des politiques anti-discrimination strictes au sein de votre entreprise ou de votre organisme.

À ne pas adopter :

  • Ne posez pas de questions intrusives aux personnes immigrantes comme leurs expériences potentiellement traumatiques.
  • Ne minimisez pas les traumatismes vécus par les personnes immigrantes si elles vous en parlent.
  • Veillez à ne pas les exclure de discussions importantes ou de décisions liées à leur travail.
  • Ne réduisez pas les personnes à leurs expériences de guerre lors de vos interactions.
  • Ne négligez pas les signaux de détresse émotionnelle, mais offrez-leur de l’écoute et demandez-leur si elles aimeraient des ressources pour de l’aide avant de leur en proposer.
  • Évitez de traiter les personnes comme des victimes uniquement. Prenez plutôt l’occasion de souligner les compétences et la résilience que vous avez observées!

Ressources :

Info-Social – Pour un problème psychosocial non urgent, composez le 811, option 2.

RIVO-Résilience – Réseau d'intervention auprès des personnes ayant subi la violence organisée et psychothérapie en trauma, 514 282-0661, https://rivo-resilience.org/

L’Orienthèque – Accompagnement à l’employabilité et à l’inclusion sociale des personnes immigrantes, 450 730-0181, info@orientheque.ca

La Traversée – Centre de crise et de prévention du suicide, 450 746-0303, https://cpslatraversee.ca/

Services Québec Agir ensemble contre l’intimidation en milieu de travail